Le froid de tes yeux

Parfois il est des concours de circonstances qui font remonter à la mémoire un regard. Une vidéo d'un petit lapin qui chante en allemand. Le matin, un colis avec un souvenir de l'époque passée à Konstanz... Et dans la nuit, le regard d'un bleu glacial remonte à ma mémoire et me réveille en nage.

C'était en Allemagne, il y a fort longtemps. Jeune ado, un jour d'anniversaire d'une copine Uruguaise, nous fêtions l'événement dans la joie entre Français e Allemands puis il est entré dans la pièce et là, ce fut le silence. Autant nous connaissions  et apprécions la mère de ma copine que son père était un personnage de l'ombre que l'on n'abordait pas. Lui, le père Allemand, est rentré dans la pièce et aussitôt ce fut un silence brutal et pesant. Il a serré des mains et lorsqu'il fut face à moi, j'ai senti un glaçon traversé ma colonne vertébrale. Pas un mot mais un regard bleu, froid, glacial et j'ai lu dans ses yeux ses pensées à mon sujet. Jamais je n'oublierai ses yeux et bien que je savais que c'était un ancien nazi, je n'ai pas baissé les yeux. Je l'ai regardé droit dans les yeux. Je le voyais en fait avec son uniforme noir. J'ai gardé mon sang froid, n'ai montré aucune émotion et quand j'y repense, je ne sais pas comment j'ai fait mais jamais je n'oubllierai ce que j'ai lu dans ces yeux. En y repensant, les larmes coulent sur mon visage car je sais que je ne serais plus là s'il avait pu. J'ai même eu une autre fois l'affront du salut hitlérien d'un autre Allemand.

Pourtant, je ne mélange pas dans mon esprit les nazis et les Allemands car j'ai eu des contacts très forts avec eux et je repense à cette Allemande notamment qui m'avait expliqué toute la souffrance, la faim, les privations et les conséquences qu'elle avait au niveau de la santé. Je repense aussi à ce policier qui m'a pris dans les bras pour passer par dessus une barrière et ne pas faire une longue file d'attente lors d'une visite d'une expo et pourtant la Polizei, on ne s'y frotte pas et elle impose mais j'ai vu un humain compatissant.

Là, avec cette photo de la montagne fumant et la première neige, dans une ambiance bleutée, j'ai essayé de montrer la froideur de ce regard de cet Allemand qui revient parfois à la surface de ma mémoire.